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Au-delà des limites de la plongée récréative

Posté le vendredi 27 juillet 2018


Au-delà des limites de la plongée récréative

Au-delà des profondeurs « récréatives », la communauté de plongeurs techniques pousse progressivement la frontière de la plongée de loisir vers des environnements plus profonds et moins indulgents.

26 Jun 2015 | Miroslaw Rozloznik, Peter Buzacott

Les recycleurs, naguère utilisés exclusivement par les militaires, se sont répandus aux quatre coins du monde. Il est plus facile que jamais de se procurer des mélanges respiratoires à l’hélium ou nitrox et de se former à leur utilisation. À l’aide de scooters de longue portée, les plongeurs techniques explorent des grottes de plus en plus profondes, souvent en suivant des profils de décompression expérimentaux. Penchons-nous sur quelques-unes des conséquences de ces événements.

 

Premièrement, les manifestations cliniques de la MDD sont souvent différentes chez les plongeurs qui remontent de 100 m de profondeur en utilisant plusieurs mélanges respiratoires. Les recherches relatives à la MDD de l’oreille interne, qui a eu une incidence importante au cours des dernières 25 années, ont montré qu’elle était souvent associée à la présence d’une communication entre les deux oreillettes du cœur, appelée « foramen ovale perméable » (FOP).

Selon l’avis des médecins, le risque de MDD est de 2,5 à 6,5 fois supérieur chez les plongeurs de loisir présentant un FOP par rapport aux plongeurs qui en sont dépourvus. Le risque reste toutefois si faible que la réalisation d’un test de dépistage de routine du FOP n’est pas justifiée. En plongée technique, cependant, les plongeurs vont au-delà des limites de la plongée de loisir et doivent en général réaliser des paliers de décompression avant de remonter à la surface. Par conséquent, au moins une agence de formation en plongée technique recommande d’effectuer un test de dépistage du FOP avant de réaliser des plongées à palier.

En ce qui concerne les recycleurs, ceux-ci sont en général implacables lorsque le plongeur commet une erreur. L’utilisation de tels dispositifs « high-tech » requiert une formation plus complète et approfondie. Leur entretien est plus minutieux et les vérifications préalables à la plongée sont bien plus longues qu’en plongée en circuit ouvert. À titre d’exemple, si un plongeur de loisir oublie d’ouvrir le robinet de sa bouteille, il s’en rendra compte dès ses premières tentatives infructueuses de respirer sous l’eau. Il pourra normalement remonter à la surface et demander qu’on lui ouvre sa bouteille : il s’agira là d’un simple incident, et non d’un accident. Toutefois, avec de nombreux recycleurs, si le plongeur oublie d’ouvrir le robinet de la bouteille d’oxygène, les conséquences ne sont pas immédiates. La boucle respiratoire contient au départ une certaine quantité d’oxygène qui est progressivement consommée par le plongeur jusqu’à ce que celui-ci perte soudainement connaissance et trouve la mort, alors même qu’il avait toujours l’embout en bouche. Ce type d’accident s’est déjà produit en très faible profondeur.

 

Si l’accroissement du risque avec un recycleur par rapport à la plongée en scaphandre ordinaire n’est pas encore connu, il est généralement admis que le risque d’accident mortel est beaucoup plus élevé avec un recycleur. Selon une analyse récente, il pourrait en effet être de 4 à 10 fois supérieur. Toutefois, sachant que le risque de décès en plongée avec un circuit ouvert se situe entre 0,6 et 2,1 sur 100 000 plongées, le risque absolu avec un recycleur n’est peut-être pas aussi élevé que certains pourraient le penser. Cela dit, il n’y a pas si longtemps, la plongée avec recycleur était spécifiquement exclue de la couverture plongée récréative de certaines compagnies d’assurance. À présent que de plus amples informations sont disponibles, les plongeurs utilisant un recycleur peuvent plus facilement obtenir une assurance égale à celle offerte aux plongeurs de loisir utilisant un circuit ouvert.

Un autre développement récent de la plongée de loisir est le recul de l’âge minimum pour plonger. Au moins une agence de formation importante offre désormais la possibilité de suivre des cours de plongée en scaphandre à partir de l’âge de 10 ans, avec toutefois des restrictions en matière de profondeur et de supervision. En attendant, les recherches relatives aux effets de la plongée sur les enfants se poursuivent. Par ailleurs, alors que la plongée en scaphandre est largement répandue depuis maintenant 40 ans, les scientifiques commencent seulement à se pencher sur ses effets à long terme. On sait que des bulles se forment dans l’organisme même après des plongées considérées comme « sûres », et que ces bulles dues à la décompression peuvent causer des effets mesurables sur les cellules et la fonction de l’endothélium, la paroi interne des vaisseaux sanguins. La réalisation de plongées profondes durant toute une vie peut-elle entraîner des troubles de la mémoire ou d’autres effets indésirables à long terme ? Un article récent semble indiquer que le risque d’altération des fonctions cognitives est mineur chez les plongeurs de loisir, et qu’une telle altération ne devrait pas avoir d’effet négatif sur leur « qualité de vie ». Il existe toutefois des données limitées en ce qui concerne les plongeurs professionnels.

 

En attendant, la plongée de loisir n’est pas prête de disparaître : il est plus facile que jamais de suivre une formation de plongée, et par conséquent d’atteindre des profondeurs toujours plus importantes. L’équipement de plongée est lui aussi plus abordable et facile d’utilisation que jamais. En effet, la plupart des ordinateurs de plongée modernes affichent les paliers de décompression, ou tout au moins les informations de décompression d’urgence pour les plongées répétitives qui sortent des limites de la plongée récréative. Avant que les ordinateurs de plongée ne deviennent courants, les plongeurs chevronnés et les spécialistes médicaux partaient du principe, par exemple, que toute personne plongeant à 50 m devait s’abstenir d’effectuer une seconde plongée le même jour, afin de permettre à l’organisme de désaturer. De nos jours, il n’est pas rare de voir des plongeurs se présenter à un caisson hyperbare en vue d’un traitement pour une MDD survenue suite, justement, à ce type de plongée répétitive et profonde.

À côté des progrès technologiques, le déclin des connaissances de plongée de base soulève de plus en plus de préoccupations. De nombreux cours de plongée actuels s’abstiennent même d’enseigner l’utilisation des tables de plongée et de familiariser les étudiants avec le lien entre la profondeur et les paliers de décompression ou avec les règles relatives aux situations d’immersion exceptionnelles. Il n’est guère surprenant que certains plongeurs disent prendre connaissance de ces règles pour la première fois alors qu’ils se trouvent dans un caisson hyperbare. Même dans les cours de plongée technique, la planification d’une plongée à l’aide de tables de décompression s’enseigne de moins en moins. Conséquence : les plongeurs techniques fraîchement brevetés peuvent se trouver bien dépourvus si la pile de leur ordinateur de plongée venait à s’épuiser au cours d’une immersion de longue durée.

 

Que nous réserve l’avenir?

Nous pensons que le composant présentiel des formations de plongée continuera à se raréfier. Avec la généralisation de l’Internet, il arrive souvent que les candidats plongeurs suivent la partie du cours relative au développement des connaissances en ligne. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on ne voie apparaître des cours de plongée complets sur Internet.

Au moins un fabricant de recycleurs propose une certification en ligne pour son propre modèle de recycleurs, sans composant présentiel.

Il est également plausible que les plongeurs du futur utilisent un équipement spécialisé de plus en plus redondant et modulaire. Ceci facilitera probablement la reconfiguration de l’équipement sous l’eau en cas de situations exceptionnelles ou d’urgence, et permettra aux plongeurs techniques de dépendre davantage encore de leur équipement.

L’une des préoccupations des plongeurs techniques de la « vieille école » concerne l’utilisation d’ordinateurs de plongée en tant que système de secours pour la planification de la décompression. Si l’avènement combiné des logiciels de planification de la décompression sur PC et des ordinateurs de plongée à porter au poignet a suscité l’enthousiasme des plongeurs de loisir et techniques, cela ne signifie pas que la planification de base d’une plongée doive être remise aux mains d’un ordinateur. Une familiarisation avec les théories qui sous-tendent la relation entre la physiologie du plongeur, sa forme physique, la durée et la profondeur des plongées, les obligations en matière de décompression et la consommation de gaz permet aux plongeurs techniques d’identifier les points faibles et les défauts des modèles de décompression utilisés par les ordinateurs. Si la fiabilité de ces machines et leur approximation de la tolérance humaine au stress de la décompression s’améliorent sans cesse, la planification des plongées à l’aide de tables de décompression doit demeurer une pierre angulaire des formations de plongée technique. Comparons cela à l’apprentissage du maniement de la règle à calcul à l’époque de la sortie des premières calculatrices électroniques : tant que la puissance de calcul ne correspondait pas aux exigences des scientifiques, ingénieurs, etc., il était prudent de ne pas abandonner les vieilles méthodes. Dans la phase de transition où l’on se trouve actuellement dans le domaine de la plongée, nous ne sommes pas encore tout à fait prêts à dépendre totalement des ordinateurs de plongée. Une agence de formation a même pris position contre leur utilisation, avançant que leur efficacité en matière de sécurité de la décompression devait encore être prouvée scientifiquement.

 

Parallèlement à ces événements, il existe une crainte concernant le fait que les plongeurs techniques s’en remettent aux ordinateurs de plongée et aux méthodes de calcul automatique de leur consommation de gaz sans pour autant qu’il y ait une amélioration de leur capacité à réagir face à une urgence si ces procédures automatiques venaient à leur défaut. Citons par exemple le cas des plongeurs qui réalisent des plongées répétitives à grande profondeur parce que « l’ordinateur de plongée n’a pas émis d’avertissement », ou qui n’ont pas suffisamment de gaz pour effectuer les paliers de décompression et doivent remonter à la surface plus tôt que prévu parce que « l’ordinateur avait indiqué qu’il y aurait assez de gaz ». À mesure que nous avançons sur la voie d’une dépendance accrue à la technologie, faisons en sorte de tenir à jour les compétences qui nous ont permis d’en arriver là. 

 

Plus d’un plongeur s’est déjà retrouvé face à une panne d’ordinateur pendant la décompression, l’obligeant à sortir ses bonnes vieilles notes pour planifier les plongées suivantes. Le port de plusieurs ordinateurs de plongée ne doit pas dispenser le plongeur technique d’élaborer un plan de plongée lui permettant de s’en sortir en cas de manquement d’air ou d’atteinte de profondeurs imprévues. Le schéma de décompression des plongées non standard (p. ex. les profils inversés, en yo-yo ou les plongées répétitives), comme les plongées spéléo ou à grande profondeur, n’est pas encore totalement compris et pourrait nécessiter des révisions suite aux nouvelles recherches effectuées sur le terrain.

Enfin, face à l’évolution constante des formations et procédures de plongée, nous invitons tous les instructeurs techniques à se tenir au courant des dernières études et progrès techniques, notamment en assistant à des conférences telles qu’EuroTek, Techmeeting et OZTeK, en lisant des magazines spécialisés ou encore en participant à des forums dédiés à la plongée technique.

Concluons sur un constat : toutes les connaissances relatives à la plongée technique sont bonnes à prendre, en gardant toutefois à l’esprit qu’une partie des informations est probablement inexacte. En effet, la moitié de ce qui est enseigné est probablement faux ; malheureusement, on ne sait pas encore de quelle moitié il s’agit.

La prudence est donc de mise et constitue l’unique option raisonnable. Il est trop affligeant de devoir soigner un plongeur atteint d’une MDD alors qu’il ignorait le risque encouru en embarquant sur la plongée en question.

 Cet article est un extrait du livre « The Science of Diving, Things your instructor never told you » (La science de la plongée, des choses que votre instructeur ne vous a jamais dit).

Cet ouvrage publié par Lambert Academic Publishing est en vente en ligne ici, et peut être commandé auprès de toute librairie en indiquant la référence ISBN 978-3-659-66233-1. Il est vendu au prix de 49,90 €, et les droits d’auteur perçus sur la vente sont versés à l’EUBS afin de promouvoir la poursuite des recherches en médecine de la plongée.


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